Retour sur le programme d’exploration de Mars
par les sondes Viking lancées en 1975.
La NASA lancera en 2022, une nouvelle mission vers Mars simplement dénommée « Mars 2020 ». Ce n’est pas le premier vaisseau ni certainement le dernier à partir à l’assaut de la Planète rouge. Près d’un demi-siècle avant, il y eut le programme Viking…
Dans un déroulement classique mais ô combien périlleux, l’expédition de 2022 consistera à faire atterrir un rover qui va sillonner les vastes étendues martiennes afin d’y découvrir si les conditions ont existé pour le développement de la vie sur la petite sœur de la Terre, et s’il subsiste encore des traces de cette vie microbienne.
Car bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis que nos aïeux s’imaginaient que cette planète était habitée par des humanoïdes ayant creusé de larges canaux à la surface de leur monde. Le but ultime de Mars 2020 étant ensuite de récupérer des échantillons, de les y mettre à l’abri en attendant un hypothétique retour sur Terre aux fins d’analyse – mais nous n’en sommes pas encore là, tant il y a loin de la coupe aux lèvres avant d’organiser une mission d’aller-retour, fut-ce même robotisée.
La recherche d’une vie sur Mars : encore et toujours…
Pour autant la question revient sans cesse, lancinante, à chaque mission : y a-t-il de la vie sur Mars ou y en a-t-il eu ? Une réponse positive signifierait alors que la vie a pu se développer sinon n’importe où, du moins là où des conditions correctes telles : qu’une eau liquide, de la chaleur (mais point trop non plus) et l’existence d’une atmosphère capable d’écranter les terribles rayonnements cosmiques et évidemment solaires (notre Soleil étant un énormissime réacteur de fusion nucléaire sans enceinte de confinement !). A ce stade, peu importe que l’on adopte ou non la fameuse théorie de la panspermie.
On aurait tort de penser que face à cette question qui taraude l’Humanité depuis la nuit des temps, les agences spatiales ne s’y sont penchées que depuis une paire de décennies. Car il y a de cela exactement 45 ans, les Américains furent les premiers à essayer de résoudre cette énigme avec le programme Viking. Parfois oubliées ou reléguées dans les lointains souvenirs de la conquête spatiale, les sondes Viking furent bien les tout premiers engins robotisés posés sur Mars, et ils s’y livrèrent à une série d’expériences.
Les vaisseaux Viking à l’avant-garde
Un livre récemment paru aux États-Unis fournit l’occasion de revenir sur le Programme Viking. L’intérêt de cet ouvrage est qu’il a été écrit par une ingénieure qui a œuvré à la conception et la mise au point du mini-laboratoire emmené sur Mars : le docteure Patricia Ann STRAAT.
Lorsque j’étais au collège, j’avais été grandement impressionné par la lecture d’un ouvrage sur l’épopée Viking écrit par le journaliste scientifique Albert Ducrocq – c’est même sans nul doute ce livre qui m’a fait intéresser à l’astronomie. Mais le livre de Mme. STRAAT m’a enthousiasmé car il révèle une dimension supplémentaire : l’auteure a surtout été actrice à la différence de M. Ducrocq précité.
Or, un commentateur aussi brillant qu’il soit ne pourrait rendre compte d’un tel travail au jour le jour ! Tout au long des pages de ce livre, vous verrez que l’auteure l’a mené à bon port et a travaillé sur les résultats des expériences pratiquées à l’autre bout du Système solaire.
Intitulé « To Mars With Love » c’est aussi le livre d’une vie entière consacrée à la recherche commencée à l’Université Johns Hopkins de Baltimore (en biochimie) et dont la mission Viking fut le point d’orgue. D’ailleurs, l’exploit n’est pas que technique…il est aussi humain : car à cette époque, il était rarissime qu’une femme puisse accéder à un aussi haut niveau de responsabilités dans une mission astronautique.
L’expérience « LR »
Le principe des expériences à mener consistait à détecter les manifestations d’une éventuelle vie sur Mars. Puisqu’il n’était évidemment pas possible d’embarquer un microscope là-bas pour analyser les échantillons sur lame comme l’aurait fait sans difficulté sur Terre un laborantin, l’auteure a donc travaillé sur le laboratoire embarqué et le protocole qui permettraient de « trahir » la présence de micro-organismes en repérant des réactions métaboliques. C’est la technique du radiomarquage qui a été choisie ou Labeled Release experiment (LR).
Pour cela, les sondes Viking emportèrent des capsules de nutriments contenant l’isotope radioactif du carbone (le fameux « Carbone 14 ») qui seraient mis à disposition des échantillons martiens. Si la vie existait sur Mars, en toute logique l’échantillon gazeux qui résulterait de cette digestion serait alors radioactif.
Avec un luxe de détails, le livre explique au jour le jour la minutieuse et laborieuse mise au point du mini-laboratoire embarqué – car une fois décollée, en cas de dysfonctionnement, on n’irait pas réparer la sonde sur Mars, et l’expérience LR tomberait aux oubliettes !
Sans dévoiler l’ensemble des protocoles les plus sérieux mis en place, la réponse au test initial fut positive : par analogie avec expériences menées avec des sols terrestres, l’échantillon martien soumis à l’expérimentation montra qu’il se passait quelque chose : on mesurait de la radioactivité dans le milieu gazeux. A contrario, en stérilisant après chauffage l’échantillon rougeâtre, la décomposition du milieu nutritif ne se produisait pas.
Évidemment rien ne pourrait remplacer un être humain envoyé sur place, idéalement un biologiste équipé d’un microscope. On ne pouvait donc procéder qu’à une recherche de preuves indirectes. Au total, si l’on ne pouvait plus écarter formellement qu’il y ait de la vie sur Mars – au sens où on l’entend sur Terre ; on ne pouvait pas non plus formellement ignorer que les résultats de radiomarquage avérés ne proviennent pas d’une autre réaction, abiotique celle-ci – c’est-à-dire pas biochimique mais seulement chimique. Et il demeure bien là le dilemme !
La controverse et la peur ?
L’auteure s’est heurtée à une contradiction : celle posée (ou imposée ?) par ce que l’on a coutume de nommer ici « L’Établissement ».
Résumons : d’un côté, il ressort des éléments scientifiques sérieux ayant montré qu’il se passait bien « quelque chose » sur Mars. De surcroît « quelque chose » qu’aucunes des expériences refaites sur Terre avec des procédés abiotiques n’ont été capable de reproduire. « Quelque chose » donc qui mime dans les courbes de mesures obtenues ce qui se passe avec des sols terriens où il y a de la vie.
Pour autant, la communauté scientifique n’a pas appliqué le fameux axiome du rasoir d’Ockham (connu aussi sous le nom de principe de parcimonie) suivant lequel l’explication la plus simple doit être retenue. Ainsi, la conclusion officielle fut que les sondes Viking n’étaient pas parvenues à établir la présence de vie sur Mars. Dont acte. Mais dans les années 70, des personnalités qui faisaient autorité aux États-Unis (en particulier Carl Sagan) se déclarèrent farouchement opposées à tout retour d’échantillons martiens sur Terre dans le futur…afin d’écarter tout risque de contamination ! Or, il y a bien ici une contradiction : s’il n’y a pas de vie sur Mars, il ne saurait y avoir contamination par des agents biologiques pathogènes. Autrement dit, en haut lieu, l’on n’est quand même pas si sûrs que ça qu’il n’y ait pas de vie sur Mars. Y aurait-il donc un doute raisonnable suivant l’expression consacrée dans les prétoires Américains ? – concept largement popularisé ici par les nombreuses séries TV américaine de police judiciaire.
Et si le programme Viking avait vu juste avant tous les autres ?
Si la mission Mars 2020 révélait les traces d’une vie, le plus édifiant serait de constater que depuis 45 ans – et des milliards de dollars plus tard, nous avions la réponse sous les yeux avec la myriade de données uploadées depuis Mars par les sondes Viking.
Rêvons un peu : par atavisme avec ces marins nordiques dont on sait aujourd’hui qu’ils avaient découvert l’Amérique bien avant Christophe Colomb, et si Viking avait fait de même en donnant la réponse à la question « sommes-nous seuls dans l’Univers ? ».
L’expérience LR menée à bord des sondes Viking se révélerait alors un grand cru que l’on ressort fièrement des décennies plus tard.Bon, je ne vous en dévoilerai pas plus sur ce livre richement illustré et finement relié, sinon qu’il a sa place dans toute bibliothèque d’astronome comme de biologiste – amateur ou professionnel.
F.C.
Le livre peut être commandé à l’adresse suivante : alibris
Pour en savoir plus,vous pouvez contacter directement l’auteure à l’adresse de courriel suivante : info@tomarswithlove.com
et visiter le site dédié à l’adresse : https://www.tomarswithlove.com
De plus, l’ouvrage est disponible à la bibliothèque de la SAP où vous pouvez l’emprunter .
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